En ces jours de la Toussaint, peut-être avez-vous eu connaissance d’un petit ouvrage rédigé quelques temps avant sa mort par le père Jean ABIVEN, carme, intitulé ‘Lettre à mes amis les saints’ (2024, Ed du Carmel, 120 p.)
Le père Jean Abiven (Jean de la Visitation, ocd) était un carme très apprécié pour ses retraites, ses accompagnements spirituels et ses livres. Breton d’origine, il a fini ses jours au couvent des carmes du Broussey en Gironde. Il est entré dans la Vie le 14 janvier dernier, à 102 ans. Pour se préparer à rencontrer ses amis du ciel, les saints, il leur écrivait des lettres. Pleines d’humour et de spiritualité, elles sont les fruits mûrs d’une longue expérience à leur côté dans le silence de l’oraison. Elles sont propres à nous disposer à les rencontrer, nous aussi, dans le silence de la prière. Elles nous les font contempler comme de vrais amis. En voici quelques extraits:
Avec une pointe d’humour, il prend la défense de Marie-Madeleine partagée en trois par les exégètes ! « Ô sainte Madeleine, il y a longtemps que je médite une lettre à votre adresse. Ces jours-ci, il me semble qu’elle est mûre, ou qu’en tout cas les mots vont me venir sans grand effort. Car les idées sont là en moi depuis longtemps. »
Il reconnaît, devant sainte Claire, qu’il a souvent négligée de la prier: « Longtemps je vous ai ignorée, chère sainte Claire. Deux années de séjour via Santa Chiara à Rome, avec la liturgie quotidienne dans la chapelle placée sous votre patronage, ne m’ont pas ouvert les yeux. Il a fallu que je passe à Assise à la fin de mes études pour découvrir votre sillage lumineux et remonter à la source. C’est là que j’ai appris votre courage de femme sans peur, allant au-devant des Sarrasins, munie seulement de l’ostensoir qui portait votre Époux. »
Ses relations difficiles avec saint Jean de la Croix finissent par s’apaiser aussi. Après lui avoir fait part de toutes ses réticences à son égard, il lui écrit : « Voilà ! Je crois avoir terminé mon réquisitoire et vidé mon sac. Pardon pour toutes les choses méchantes et sans doute injustes que je vous ai dites. Et merci de m’avoir écouté. Car je sais que vous m’avez écouté. Je n’en veux pour preuve que la lumière qui, peu à peu, s’est faite en moi ces temps derniers, à la session et ici au désert. J’ai passé avec vous mes jours de retraite. Pendant mes oraisons, vous étiez là avec la cour céleste, comme dit notre Madre. Vous n’avez dû voir dans mon trouble qu’un défaut de jeunesse — à quatre-vingt-trois ans ! — ou une crise dont vous avez voulu, paternellement, me faire sortir. Car je commence à voir les choses différemment… »
Il y aurait encore beaucoup à découvrir. Nul doute qu’un tel exemple nous stimulera à nous forger ce « panthéon » de saints, comme le père Jean le dit en s’adressant à Thomas More ! Les saints n’attendent qu’à devenir nos amis. Adressons-nous à eux comme tels!